9 ans

Parce que nous sommes le 11 mars, et que ce jour aura toujours une saveur particulière pour moi, pour nous, je dépose ici cet extrait du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry

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Il me dit:

 » Ce qui est important, ça ne se voit pas…
– Bien sûr…
– C’est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries.
– Bien sûr…
– C’est comme pour l’eau. Celle que tu m’as donné à boire était comme une musique, à cause de la poulie et de la corde… Tu te rappelles… Elle était bonne.
– Bien sûr…
– Tu regarderas la nuit, les étoiles. C’est trop petit chez moi pour que je te montre où se trouve la mienne. C’est mieux comme ça. Mon étoile, ce sera pour toi une des étoiles. Alors toutes les étoiles, tu aimeras les regardez… Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau… Ce sera comme pour l’eau…
Il rit encore.
 » Ah! petit bonhomme, petit bonhomme j’aime entendre ce rire !
– Justement ce sera mon cadeau… Ce sera comme pour l’eau…
– Que veux-tu dire ?
– Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d’autres elles ne sont rien que des petites lumières. Pour d’autres, qui sont savants, elles sont des problèmes. Pour mon businessman elles étaient de l’or. Mais toutes ces étoiles là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n’en a…
– Que veux-tu dire ?
– Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire ! »
Et il rit encore.
 » – Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Tu ouvriras parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir… Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : « Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire ! » Et ils te croiront fou. Je t’aurais joué un bien vilain tour… »
Et il rit encore.
 » Ce sera comme si je t’avais donné, au lieu d’étoiles, des tas de petits grelots qui savent rire… »
Et il rit encore. Puis il redevint sérieux.
 » Cette nuit… Tu sais… Ne viens pas.
– Je ne te quitterais pas
-J’aurais l’air d’avoir mal… j’aurais un peu l’air de mourir. C’est comme ça. Ne viens pas voir ça, ce n’est pas la peine…
– Je ne te quitterais pas. »
Mais il étais soucieux.
 » Je te dis ça… c’est à cause aussi du serpent. il ne faut pas qu’il te morde… Les serpents, c’est méchant. Ça peut mordre pour le plaisir…
– Je ne te quitterais pas. »
Mais quelque chose le rassura:
 » C’est vrai qu’ils n’ont plus de venin pour la seconde morsure… »

Cette nuit là, je ne le vis pas se mettre en route. Il s’était évadé sans bruit. Quand je réussis à le rejoindre il marchait décidé, d’un pas rapide. Il me dit seulement :
« Ah! Tu es là… »
Et il me prit par la main. Mais il se tourmenta encore :
 » Tu as tort. Tu auras de la peine. J’aurais l’air d’être mort et ce ne sera pas vrai… »
Moi je me taisais.
 » Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C’est trop lourd. »
Moi je me taisais.
 » Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée. Ce n’est pas triste les vieilles écorces… »
Moi je me taisais.
Il se découragea un peu. Mais il fit encore un effort :
 » Ce sera gentil, tu sais. Moi aussi, je regarderai les étoiles. Toutes les étoiles seront des puits avec une poulie rouillée. Toutes les étoiles me verseront à boire… »
Moi je me taisais.
 » Ce sera tellement amusant! Tu auras cinq cent millions de grelots, j’aurais cinq cent millions de fontaines… »
Et il se tut aussi, parce qu’il pleurait…

 » C’est là. Laisse-moi faire un pas tout seul. »
Et il s’assit parce qu’il avait peur. Il dit encore :
« Tu sais… ma fleur… j’en suis responsable! Et elle est tellement faible ! Et elle est tellement naïve. Elle a quatre épines de rien du tout pour la protéger contre le monde… »
Moi je m’assis parce que je ne pouvais plus me tenir debout. Il dit :
« Voilà… C’est tout… »
Il hésita encore un peu, puis il se releva. Il fit un pas. Moi je ne pouvais pas bouger.
Il n’y eut rien qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit pas de bruit, à cause du sable.



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19 Comments

  1. Toutes mes pensées, avec toi aujourd’hui. Demain mon aîné aura 8 ans, mon second 4 ans dans 10 jours et dansdeux semaines, leur petite soeur des étoiles aura 5 ans.
    Voilà, je comprends.
    J’avais mis cette citation sur les faire part de ma fille :
    Lorsque la nuit tu regardes le ciel,
    C’est comme si toutes mes étoiles te souriaient,
    Parce que j’habite sur l’une d’entre elles, je souris,
    Toi seule auras des étoiles qui savent sourire.
    (A. de St Exupéry)

    Je n’ai pu qu’y penser en lisant tes mots. Merci à toi, qui était active chez PE lorsque j’y suis entrée et merci à PE, encore, toujours d’être là.

  2. Au cours de la journée votre étoile accompagnera mes pensées .
    De tout cœur avec vous pour tenir aujourd’hui
    Ma journée étoilée sera pour moi le 24 de ce mois ……
    Celles qui savent ce que c’est pensez svp aussi à mes deux anges ( pardon Cécile de cette demande mais vous comprenez)
    Bizzzzzzz

  3. je n’ai pas connu cette douleur et cette expérience de vie mais j’ai une grosse pensée pour toi en ce jour !

    bravo pour ton implication dans l’association !

  4. Oui bébé5 sera toujours là. Et le Petit Prince aussi. C’est fait pour ça les amis, les proches. Même quand ils nous quittent ils sont toujours là.

    « Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : « Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire ! » Et ils te croiront fou. Je t’aurais joué un bien vilain tour… »

  5. Toi et Bruno avez accompagné mes pensées durant toute cette journée, interminable.
    J’entendais Gérard Philipe me lire le texte que tu as recopié et ça m’a replongé en enfance.
    Tendres pensées pour vous et pour bb5

  6. Merci pour chacun de vos petits mots. Pour les sms et les mails reçus aussi. Parfois j’ai peur d’oublier, mais c’est une fausse crainte; cela n’arrivera pas.

  7. Douces pensées à BB5 ainsi qu’à ses parents et ses frères et soeurs. Et merci à toi Cécile qui m’a tendu la main il y a deux ans alors que je sombrais. Merci !

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