Je n’étais pas Prépa-rée

A la rentrée, j’ai réalisé que je venais, par procuration, de passer 7 ans en classe préparatoire, en prépa, et que c’en était maintenant fini. Il m’est arrivé de compter les couches utilisées pour 6 enfants, le nombre de quiches faites pour les kermesses d’écoles, mais les années de prépa je ne l’avais pas encore fait! J’ai écrit un pavé, j’espère qu’il ne tombera pas dans la mare!

Soyons bien d’accord, ce sont 3 des kids qui étaient en prépa et pas moi, ce sont eux qui ont passé les concours mais tous les parents dont les enfants passent par ce chemin savent qu’ils sont aussi un peu en prépa. Alors je voulais laisser ici quelques réflexions et souvenirs. Parce que j’échange avec des mam’s qui sont en plein dedans, ou qui se questionnent, et si ça peut donner quelques pistes…

7 ans en prépa: 2 années de PACES (c’était avant la réforme interdisant le redoublement), 3 ans de TSI (prépa post bac STI2D), et 2 ans de MPSI/PSI (en vrai, il y a eu 2 années en 1, l’année où Basile et Noé étaient tous les 2 en prépa).

La prépa, vue de ma fenêtre (et peut-être aussi parce que je ne garde aucun bon souvenir de ma prépa de l’époque), c’est le bagne. C’est un parcours que les jeunes choisissent entre 18 et 20 ans, pour se coller 40 heures de cours par semaine, des DS et des khôlles orales toutes les semaines, une pression plutôt forte, un niveau d’exigence costaud, le tout pour préparer des concours permettant d’intégrer des écoles supérieures publiques ou privées dans lesquelles ils passeront 3 ans. Pour mes enfants, l’objectif n’était pas d’accéder aux écoles les mieux cotées, mais d’intégrer celle qu’ils avaient choisie comme étant la meilleure pour eux. La majorité des classes préparatoires sont intégrées à des lycées, et elles sont classées par leur niveau de réussite à l’intégration de leurs élèves dans les écoles.

La PACES ou prépa médecine est un peu différente, puisqu’elle permet d’accéder uniquement aux professions de santé (médecine, pharmacie, dentaire, maïeutique), et qu’elle a été réformée depuis que Coline y est passée (ça s’appelle PASS ou L.A.S maintenant). Mais ça reste tout aussi complexe. C’est un modèle où l’étudiant est livré à lui-même pour son organisation, ses lieux de travail, son rythme. Tous les cours sont accessibles en distanciel, quelques TD et amphis. Il faut donc travailler seul ou presque. Il existe des prépas en parallèle, qui proposent des concours blancs et des polycopiés en plus, mais peu d’accompagnement individuel. Le contenu des apprentissages s’apprend par cœur et la connaissance se mesure avec des QCM. Pas de réflexion, de pensée construite. Des QCM, des concours blancs, des classements impossibles à comprendre, et on recommence. Je pense qu’il n’en reste rien après, et je me suis souvent demandé comment on pouvait sélectionner des futurs soignants sur la capacité à apprendre par cœur des arbres de polycopiés et leur capacité à les recracher en cochant des croix (ça se sent, là, que je suis critico-sceptique?). Ce que je sais, c’est qu’il n’y avait pas d’autre voie possible pour devenir sage-femme, et que ce modèle de prépa a sacrément abimé Coline, qui a eu du mal avec l’apprentissage, la concentration, et les épreuves écrites pendant toute la suite de ses études, sans parler des effets sur sa santé.

Où habiter pendant sa prépa?

Logement à la maison ou pas? Ce n’est pas forcément un choix et Noé dans un lycée parisien à 50 minutes porte à porte de la maison était sûrement plus confortable dans une chambre à 15 minutes de son lycée. La première année en internat-externé (il pouvait prendre tous ses repas au lycée du petit-dej au dîner mais n’y logeait pas), la deuxième année demi-pensionnaire. Quand on a cours de 8h à 18h30 tous les jours, samedi matin compris, les temps de transports prennent une vraie importance (la journée n’étant pas finie puisqu’il faut ingurgiter sa journée le soir, et préparer celle du lendemain). Il rentrait le samedi après-midi et repartait le dimanche soir avec des petits plats pour ne pas avoir à faire de courses ou de trop de cuisine.

Basile a testé le logement à proximité du lycée mais a préféré ses 6km de vélo avec un magnifique dénivelé matin et soir pendant 3 ans, tous les jours. C’était dur mais c’était son seul sport et après avoir nagé à haut niveau pendant 12 ans, heureusement qu’il lui restait ça pour prendre l’air: c’était le seul moment où il pouvait s’aérer sans culpabiliser de ne pas être entrain de travailler…

Et les concours?

La période des concours, c’est de loin la période la plus stressante. Et c’est IN-TER-MI-NA-BLE. 3 semaines ou 4 d’écrits, 1 mois de préparation des oraux et 2-3 semaines d’oraux. Et avant les concours, il y a le choix des concours: un business financier pour les 3 banques de concours qui les organisent, nécessitant de la stratégie si on ne veut pas y laisser un rein.

Par exemple, sortant de prépa TSI, seules 7 places étaient ouvertes pour les écoles Mines-Pont-Polytechnique, avec une inscription à 300€. Ou encore Supoptique proposait 1 place au niveau national, à 300€ et plus, et il vaut mieux prendre le temps de la réflexion en amont (il y a un système dédié un peu comme Parcoursup qui fonctionne des inscriptions aux affectations). Comme ce sont des concours, il y a de la stratégie.

Quand on habite en Ile de France, ça vaut la peine d’imaginer s’inscrire pour passer les écrits en Province si on a des amis ou de la famille pour l’hébergement (Merci Basile qui a pris soin de Noé à Lille pendant ses écrits). Non pas pour augmenter ses chances parce qu’aujourd’hui les copies sont numérisées et distribuées partout en France, mais parce que 3 voire 4 semaines d’hôtel au parc des expositions de Villepinte + repas, c’est un vrai budget. Pour les oraux, re-belotte: quand on passe 5 jours sur le plateau de Saclay, impossible de faire les aller-retours tous les jours.

Tenir le rythme

Il faut tenir pendant 2 ans, voire 3 quand on décide de « cuber » pour accéder à l’école de ses rêves (chapeau la motivation quand même pour repartir sur un an de plus). Basile a fait ce choix après avoir passé les concours en période de COVID et ses efforts ont payé. Noé a préféré intégrer l’école dans laquelle il est, pas certain que sa motivation à cuber serait suffisante pour réussir mieux. Il préfère miser sur un double diplôme, une année de césure, on verra bien.

L’ambiance prépa: elle était globalement bonne, ils se sont faits de vrais potes, et il y avait une bonne émulation. Je ne sais pas si c’est pareil partout, mais dans leurs lycées c’était le cas. Les profs étaient exigeants mais de manière générale encourageants, et présents. Je ne sais pas si on peut parler de bienveillance, même si certains profs accompagnent vraiment les élèves dans leurs choix d’école, dans leurs préparations des concours, arrivent à proposer un suivi individuel si besoin, ne comptent pas leurs heures. Et ils passent globalement plus de temps avec nos enfants que nous pendant cette période!

Et nous, à quoi on sert?

Il est loin le temps où je pouvais donner un coup de main pour un exercice de maths, ça plane tellement haut que je ne comprends pas (et que je n’ai pas envie de comprendre). Par contre, ça ne veut pas dire que je ne peux rien faire, comme par exemple lire les livres de l’année pour pouvoir en discuter. Je me souviens très bien des échanges avec Basile après avoir lu La Supplication de Svetlana Alexievitch un été, ouvrage de chroniques écrites pendant les 10 années ayant suivi la catastrophe de Tchernobyl. C’était un de ces ouvrages hyper durs, qui nécessitent un grand bol d’air entre 2 chapitres et c’était sympa qu’on puisse en parler ensemble au fur et à mesure de la lecture.

En anglais, j’ai pu aider un peu aussi. J’ai fait réviser du vocabulaire, on a préparé des entretiens de personnalité, chronométré des exposés, répété des TIPE, revu des présentations PowerPoint, fait des revues de la presse anglo-saxonne.

Et puis, l’année pour les garçons étaient tous les 2 en prépa, c’était chouette de les voir se retrouver le week-end, faire des démonstrations de maths sur un tableau blanc et se soutenir l’un l’autre.

Mais on est bien d’accord que ce n’est pas sur les exos de physique que j’étais la plus attendue. Alors j’ai trouvé ma place sur tout ce qui peut rendre la vie un peu moins compliquée; Au centre: l’alimentation! C’est le nerf de la guerre quand on a 18-20 ans! Et puis de la surveillance: que le moral monte et descende, rien de plus normal tant qu’il remonte. Proposer une sortie à la piscine d’1 heure de temps en temps, anticiper des compléments de vitamines pendant l’hiver et avant les concours pour booster un peu l’organisme. Aller marcher une heure en forêt, ou faire un gâteau au chocolat. Tenir compagnie le vendredi soir quand toute la fratrie est sortie mais qu’il y a DS le lendemain, comme tous les samedis. Prévoir des semaines de révision à la campagne chez les grands-parents avec 1 ou 2 copains, au vert. Se lever le samedi matin à 7h pour préparer son petit-dej alors que tout le monde dort encore, et l’accompagner en voiture au lycée. Demander à chaque membre de la famille d’envoyer un mot d’encouragement à l’approche des concours. S’intéresser, poser des questions. Acheter du chocolat. Observer, consoler, remotiver, féliciter et replacer ces années dans le temps (ça va passer vite…).

Voilà. Tout ça c’est leur prépa, et la mienne. Et puis tout d’un coup, c’est terminé, et la suite est belle! Parce qu’après avoir mené une vie d’ascète comme cela, tout est forcément mieux: la fête, le rythme, les apprentissages, la liberté, l’éloignement, les vacances, les sorties. Tout est mieux, et tellement mérité!

Et je voulais juste dire encore que ce n’est pas la voie unique de la réussite! la moitié des enfants n’a pas du tout choisi cette voie-là et font des parcours tout aussi intéressants, gratifiants, méritants et qui leur vont bien. La prépa c’est un choix, comme doit l’être celui d’aller dans une école post-bac en 5 ans, de faire un BTS, un BUT, rentrer à l’université, bref je ne vais pas tous les citer.

Il sera bientôt temps de revenir pour un billet sur les stratégies Parcoursup: comment choisir des formations quand on ne sait pas ce qu’on veut faire?



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6 Comments

  1. Des années difficiles dont mon fils ne garde pas un bon souvenir ; il a choisi l’école dans laquelle il était le mieux placé ; heureusement aujourd’hui il est épanoui dans son activité professionnelle. Habitant stasbourg, les oraux à paris sont un vrai parcours du combattant….. certains enseignants confondent humiliation et émulation, mais bref, pour certains c’était zéro humanité.

    1. Merci Agnès pour ce témoignage! En effet, pas toujours simple de comprendre la pédagogie en prépa…
      je croyais qu’il y avait maintenant des centres d’oraux dans toutes les grandes villes!

  2. Ici, à l’inverse, le côté compétition ne plaisait pas et mon fils qui a fait des études a préféré un parcours plus serein qui rejoint bien sa façon d’être. Et nous qui n’avons pas fait d’études longues, avons été charmé par sa réflexion.
    Mon 2nd s’éclate dans un cursus où l’entraide est aussi le maître mot. A un niveau moindre mais vu ses difficultés, c’est déjà tellement énorme qu’on ne peut qu’être fiers.

    1. Billet très complet, merci ! Avec mon mari, on s’est connus en prépa (scientifique pour lui, littéraire pour moi), dans un lycée de province. Très bon souvenir pour moi, un peu moins pour lui. Notre fils aîné est en prépa littéraire dans un autre lycée de province (on a changé de région) et il est ravi. Les profs sont hyper bienveillants (biscuits faits maison pour les concours blancs, par exemple!) et l’enseignement de grande qualité.
      Je crois que l’ambiance dépend beaucoup des lycées, et des enseignants: le fils d’amis, en région parisienne, a abandonné sa prépa MP en cours d’année l’an dernier: trop de pression et d’humiliations. Après un service civique pour rebondir, il s’éclate à la fac cette année.
      En tout cas je te rejoins sur l’importance de la logistique parentale !

      1. Merci Mélanie,
        Je te rejoins sur l’ambiance. Basile et Noé ont eu de la chance également dans leurs lycées respectifs. Noé a fait sa sup dans un « grand » lycée parisien, et sa spé dans un lycée plus modeste. Il a vraiment ramé la première année, et a très souvent majoré ses DS en spé, ce qui le tirait vers le haut et avait un impact ++ sur son mental.
        Le fils de tes amis a eu mille fois raison d’en partir!!

    2. Oui, c’est bien sûr un parcours qui ne convient pas à tous, et c’est vraiment la question à se poser… avant.
      il existe des parcours ingé post bac sans passer par la prépa et qui permettent des formations de super niveau.

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