Ce n’est plus un secret pour personne, après 18 ans d’une vie sportive limitée à monter quelques escaliers, en descendre d’autres, marcher un peu mais pas trop, avoir un gros ventre, perdre tous mes ados abdos, courir derrière des enfants, ou devant, pousser des poussettes et des caddies de supermarché, et muscler mon périnée quand même aussi, j’ai repris un sport de manière plutôt assidue et régulière.
Je nage.
Je n’ose pas encore dire que je fais de la natation, ça fait un peu trop professionnelle encadrée et coachée. Je nage, soutenue par les enfants qui trouvent que c’est bien, et par Basile qui une fois de temps en temps vient corriger tous les mouvements qui pourraient faire de moi une nageuse du 3ème âge non entraînée (honte totale pour lui). Du coup, en quelques semaines, je nage de plus en plus et à priori de mieux en mieux. En tout cas j’essaie.

Enchaîner des longueurs a pour vertu de se vider la tête. Se concentrer pour compter jusqu’à 90 ou 100 ne tue pas trop de cellules grises. Voire même, cela autorise l’observation du milieu aquatique dans lequel j’évolue. Et j’y prends un plaisir non dissimulé.
S’amuser à faire une observation morphologique des compagnons de bassin. Soit en surface à l’occasion d’une prise de respiration, soit sous l’eau, ce qui n’est pas forcément le meilleur angle, et me rappelle parfois mes dernières visites à Océanopolis, lieu magique où l’on voit évoluer dans des bassins différents des otaries, des phoques, des murènes, des hippocampes, des poissons bulle et autres animaux marins.
J’irai même jusqu’à dire qu’hier, la piscine était un peu comme Océanopolis avec un seul bassin pour toutes les espèces. Je suis d’autant plus à l’aise pour l’écrire que j’étais dans le bassin. Parfois, lorsque le bassin est plein, on dirait aussi un élevage de saumons en Norvège (en référence au reportage diffusé par Envoyé Spécial sur France 2 le 7 novembre, et qui m’a décidée à ne plus consommer de poissons d’élevage, de poisson pané, de poisson de l’atlantique Nord-Est, de surimi, de plats cuisinés à base de poisson etc).
Heureusement c’est rare. Parce que je connais maintenant, à force d’une observation assidue, les horaires où les saumons ont migré ailleurs. Et j’évite. Mais il est parfois intelligent de coordonner mes horaires avec ceux de Basile, quand c’est possible.
Quand le bassin ressemble à Océanopolis, il y a donc des vagues, des creux, pas mal de remous et ce sentiment un peu étonnant que des substances étrangères pourraient traîner dans le bassin. Bref on serre les dents et on ne boit surtout pas la tasse. Mais surtout, il y a des rencontres, et des télescopages. La répartition des nageurs poissons dans les couloirs est un peu anarchique, même si elle répond à des codes qui m’échappent un peu.
Tu nages vite, tu es dans le 3ème couloir. Mais nager vite, c’est très relatif si Camille Lacour est dans le même couloir que toi. Nonnnnnn ne vous précipitez pas, il ne nage pas dans la même piscine que moi et si c’était le cas, je ne vous le dirais pas, nous sommes assez de saumons comme ça.
Le principe de la relativité de la vitesse est là, mais aussi celui de la qualité de la nage.
Tu nages bien tu es dans le 2ème couloir. Mais nager bien, cela veut dire provoquer les compliments de mon fils qui veut s’assurer un bon dîner en rentrant? C’est bien sûr un exemple, je ne mets pas en doute la sincérité de Basile quand il félicite sa maman.
Bref le risque de recevoir quelques coups de pieds, de talon, de genou est réel. Le pire étant la plaquette droite du nageur de crawl qui se met au milieu du couloir dans lequel il y a déjà une dizaine de saumons, et qui te frôle l’arête nasale en te faisant perdre tes lunettes au milieu de ta 46ème longueur de brasse.
J’ai pris le temps de les observer hier. Et quand je suis sortie de l’eau, j’ai attendu Basile un moment à la sortie des vestiaires. Et j’ai fait du matching. Du matching, c’est comme du Memory en fait. Il suffit d’associer un nageur en maillot-bonnet-lunettes avec un être humain habillé sortant du vestiaire. J’ai remarqué le crawleur à plaquettes qui une fois sorti du vestiaire ressemblait à un prof de comptabilité de l’université du Havre. J’ai reconnu la killeuse aux doigts de pieds comme des griffes qui m’a laissé quelques écorchures sur les chevilles, entrain d’enfiler ses cuissardes. J’ai vu aussi les 2 hippocampes qui nageaient à la verticale en papotant pour ne pas se mouiller les cheveux, et qui papotaient encore squattant les séchoirs pour sécher leurs cheveux restés secs. Et puis j’ai discuté 5′ avec la nana au joli maillot framboise qui pourrait bien devenir une copine de bassin, mais qui pourrait me faire me transformer en hippocampe…
PS: Ce billet est une fiction, les propos prêtés aux poissons, ces poissons eux-mêmes, et les lieux où on les décrit sont en partie réels, en partie imaginaires. Ni eux-mêmes ni les faits évoqués ne sauraient donc être exactement ramenés à des personnes et des événements existant ou ayant vraiment existé, aux lieux évoqués ou ailleurs, ni témoigner d’une réalité ou d’un jugement sur ces faits, ces poissons et ces lieux .
J’adore le labsus de frappe -révélateur ?- de la la 3ème ligne : « perdre tous mes ados » !!!
ahahah bien vu! du coup je vais faussement le corriger 🙂
J’avais lu la meme chose et cela m’a fait vraiment sourire!!
et à quoi ressemble un prof de compta de l’université du Havre ? 😉
Je fais le même matching les mardis quand je nage en libre… Le maillot et la nage ne fait pas le moine 🙂 … c’est marrant de laisser libre court à son imagination et on a de belle surprise parfois….
j’espere qu’aucun saumon ni hypocampe n’a été blessé dans la réalisation de ce reportage.,. 😊🐠🐠🐠
il en restait ce matin encore… et même quelques cachalots